LA GAZETTE DU CLUB DES MONSTRES

NUMÉRO 70

LE SCALP OU LA GUILLOTINE !

LE LIVRE NOIR aka The BLACK BOOK aka The reign of terror - Anthony Mann avec Rod Taylor, Arlene Dahl, 1949, États Unis, 84m

Paris, 1794. Cinq ans après la Révolution française, Robespierre est dans tous ses états. C'est que le carnet noir dans lequel il a prit en note les noms de tous ceux qu'il soupçonne de comploter contre lui a disparut. Charles D'Aubigny, sur les ordres de Lafayette, est chargé de le retrouver, en se faisant passer pour un autre. Il arrive en France et est immédiatement soupçonné, mais il réussit tout de même à commencer sa mission, qu'il doit mener à bien en moins de 24 heures. Pourchassé de toutes parts, surveillé par Fouché qui est partout et semble omniscient, ne sachant plus lui aussi qui est de son côté et qui veut le trahir, dans un Paris survolté par les tensions politiques et la menace perpétuelle de la guillotine, il doit réussir coûte que coûte car Robespierre se prépare à demander carrément l'institution de la dictature.

Anthony Mann, dont je ne connaissais pas le nom ni la réputation, signe un film nerveux, proche de l'expressionisme et du film noir, au rythme effréné et bourré d'excès de violence et au scénario bien ficelé, aux dialogues parfois savoureux. Avec une brochette d'acteurs visiblement enthousiasmés par l'entreprise, on est surprit de la vivacité du récit, de sa mise en scène nerveuse et inventive et de la brochette de collaborateurs aguerris. Fouché, chef de la police est probablement le personnage qui m'a le plus surprit. Réputé savoir tout ce qui se passe dans Paris, il est ici lui-même partout durant les premières minutes, avec des répliques savoureuses et une propension à laisser sa loyauté tergiverser selon les humeurs du peuple. Peuple qui est en fond d'histoire, hargneux et assoiffé de têtes autour de la fameuse guillotine. Richard Basehart interprète un Robespierre machiavélique, manipulateur et a une présence redoutable devant la convention. C'est tout le casting qui est bon et les trouvailles de mise en scène, nombreuses et remarquables. Si ce n'était du noir et blanc, je n'aurais jamais deviné que le film date de l'époque. Connaissant la révolution française surtout par les romans d'Alexandre Dumas, je ne saurais dire si on a fabulé énormément dans le scénario, mais j'ai passé un excellent moment. Définitivement un film à découvrir.

Le dvd D'Artus Films offre un portrait d'Anthony Mann par Jean-Claude Missiaen qui éclaire beaucoup sur l'ensemble de l'équipe technique et la carrière du réalisateur.

FORT INVINCIBLE aka Only the valiant - Gordon Douglas avec Gregory Peck, Ward Bond, Lon Chaney Jr, 1951, États Unis, 100m

A l'époque ou les indiens étaient méchants et la cavalerie représentait l'ordre, du moins au cinéma, le Capitaine Lance charge le lieutenant Holloway d'escorter un dangereux chef apache, Tucsos. Il en revient mort et s'en suit logiquement deux choses, de une: Lance devra aller reprendre le "fort invincible" qui a été attaqué et mis à feu par Tucsos, le garder au péril de sa vie et de celle de ses hommes durant trois jours, jusqu'à ce que les renforts arrivent, de deux: ses hommes et sa copine sont certains que Lance a souhaité la mort d'Holloway, par jalousie. Lance s'entoure alors d'une douzaine de soldats, les pires spécimens disponibles, et ces hommes ne souhaitent que la mort de leur Capitaine. Ca s'annonce pas jojo !

Ah, les westerns qui se passent dans un fort, c'était le pain et le beurre de la jeunesse des années 50/60, avec les films d'Hercules ou les films de monstres, évidemment ! Mais ici pas tellement de gloire avec cette bande d'alcooliques, violents et vengeurs, mésadaptés, lâches, nommez tous les défauts et vous risquez de les coller à un de ces gaillards. Ce n'est pas sans rappeler un film comme les douze salopards, qui sera réalisé une douzaine d'années plus tard. Avec une mise en scène classique qui laisse la belle part au jeu des acteurs, on peut dire que le choix de ceux-ci était important. Quelle brochette ! J'ai revu avec joie Lon Chaney Jr dans ce qui est un de ses meilleurs rôles et il a l'air d'un colosse, entouré de quelques petits soldats maigrichons. On se prend de sympathie pour l'ivrogne de service qui cache lui aussi ses mauvais sentiments envers Gregory Peck. Si les indiens n'ont pas de relief, on est collé devant l'écran, attendant de voir si quelqu'un va s'en sortir, si la cavalerie va arriver trop tard, si la jolie blonde va se rendre compte de son erreur.

Offert en anglais, français ou avec sous-titres dans l'édition Artus, j'ai rapidement adopté la version française, retrouvant avec joie les voix connues et appréciées d'une autre époque. Le film jouit d'une bonne présentation par Eddy Moine, spécialiste du western qui enfile les citations et les références avec une passion communicative. Mario Giguère

www.artusfilms.com

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