1883 - 1930

Surnommé à juste titre l'Homme aux Mille Visages, Lon Chaney a connu une brillante carrière d'acteur-maquilleur-scénariste-réalisateur et a marqué l'imaginaire avec des rôles époustouflants. Un grand acteur du cinéma fantastique et un véritable icône du cinéma.

mise à jour le 28 août 2006

Le CLUB DES TROIS aka THE UNHOLY THREE - Tod Browning, 1925, États Unis

Le ventriloque Echo (Lon Chaney) et ses camarades Hercules, un homme de grande taille et de force équivalente, et Tweedledee, Harry Earles - le nain héros de FREAKS, décident de mettre sur pied une arnaque machiavélique. Ils montent une oisellerie afin de vendre des perroquets fortement doués quand il s'agit de parler en sachant que des perroquets qui parlent se vendent bien mieux que des perroquets qui ne parlent pas. Mais les talents d'orateur de nos amis à plumes ne sont en réalité qu'un odieux subterfuge réalisé grâce au talent de ventriloque d'Echo, pour le coup déguisé en vieille grand-mère à la bonté infinie. Les clients en général déçus de ne pas pouvoir taper la discussion avec leurs piafs, appellent la grand-mère à la rescousse. Celle-ci rend alors visite à ses clients avec une poussette contenant son petit-fils, en réalité Tweedledee déguisé en bébé. Et pendant que mémé parvient à faire parler l'oiseau incriminé, bébé procède à des repérages en vue d'un futur cambriolage... Les affaires marchent, jusqu'au jour où l'un de leur casse tourne au drame et laisse un mort derrière eux, un soir de Noël.

Dans ce film muet produit par la MGM, Tod Browning met en scène, comme souvent, des personnages marginaux qui lui tiennent à cœur. Contrairement à d'autres de ses films, ses personnages ne bénéficient pas du bon rôle. Ici, les artistes de foire sont les criminels et comme il est de coutume dans les films de cette époque, ils paieront leur crime. Seul Echo parviendra à s'en sortir. Il est vrai qu'il n'est pas responsable de la mort de la victime du casse et surtout il se rachète une conscience : après s'être comporté comme le dernier des salopards avec Rosie, son assistante dont il est amoureux sans qu'il n'ose l'admettre, il met tout en œuvre pour sauver l'homme qu'elle aime et qu'il a lui-même choisi comme bouc émissaire. Encore une fois Chaney porte sur lui une histoire sombre, arpentée par des personnages hors du commun, et qui au final s'avère être une romance impossible et douloureuse pour son personnage esseulé. Les transformations de Chaney sont ici relativement sobres, mais sa prestation en grand-mère trapue est remarquable, quant au jeu de ses expressions faciales, il reste toujours un élément de fascination majeure, que ce soit pour exprimer la cruauté, le dédain, la tristesse ou l'appréhension... L'éventail ainsi déployé est d'une immense richesse. Parmi les autres acteurs, la performance d'Harry Earles est également étonnante et il est surprenant de voir à quel point, ce petit homme âgé d'une vingtaine d'années est physiquement convaincant dans le rôle d'un bébé ! Pour en terminer avec le contenu du film, notons la présence d'un chimpanzé de taille humaine qui mettra fin aux jours d'Hercules après qu'il ait étranglé son acolyte de petite taille. Un remake du CLUB DES TROIS a été réalisé en 1930, toujours avec Harry Earles et Lon Chaney, dont ce fut le premier film parlant, et le dernier film tout court de sa carrière avant qu'il ne succombe à un cancer des poumons. Kerozene

L'INCONNU aka THE UNKNOWN - Tod Browning, 1927, États-Unis 

L'INCONNU présente probablement le triangle amoureux le plus macabre que l'on puisse imaginer. Dans un cirque, Alonzo (Lon Chaney) l'homme sans bras, est éperdument amoureux de la belle Nanon (Joan Crawford), elle-même courtisée par Malabar, l'homme fort du cirque capable de tordre des barreaux de fer à mains nues ! Mais Nanon a horreur d'une chose: que des mains d'homme se baladent sur son corps, ce que Malabar ne parvient évidemment pas à comprendre. Cette phobie est alors saluée par Alonzo qui est en réalité un faux manchot cachant son identité de criminel identifiable grâce à sa main à deux pouces. Par amour pour la belle, Alonzo décide de se faire amputer des deux bras...

Magnifique film muet dans lequel Lon Chaney fait preuve d'un talent saisissant dans le rôle de ce manchot utilisant ses pieds comme des mains: il joue à la guitare avec ses pieds, il fume avec ses pieds, il se mouche avec ses pieds... Mais c'est bien évidemment au travers de son visage hautement expressif que le film fascine: ses yeux cruels et perçants au milieu d'un amalgame de traits malléables à volonté captivent à chacune de ses apparitions. Comme souvent chez Browning, le film - qui ne se délecte à aucun moment dans la bluette romantique, se termine en horrible tragédie; et même si le happy end est de rigueur, il n'en reste pas moins amer. Rare et saisissant ! Kerozene

LARMES DE CLOWN aka HE WHO GETS SLAPPED - Victor Seastrom, 1924, États Unis 

Le génial professeur Baumont (Lon Chaney) subit l'humiliation de sa vie : alors qu'il vient d'achever le chef d'œuvre de sa carrière, son " ami " le Baron le lui vole pour en retirer tous les bénéfices. Devant une audience de barbus universitaires à lunettes, Baumont tente de se défendre en expliquant qu'il est bel et bien l'auteur de la découverte. Le Baron le traîte alors de fou et le gifle en public, ce qui provoque l'hilarité générale de l'assistance. Meurtri, humilié, Baumont retourne péniblement chez lui pour découvrir que sa femme le trompe avec le Baron. Elle décide alors de le quitter... S'écoule alors plusieurs années, Baumont est devenu clown dans un cirque, un clown connu sous le nom de " Celui que l'on gifle " et qui amuse les foules en se ramassant des baffes de la part de soixante clowns rieurs. Arrive alors Consuelo, jeune et belle écuyère dont un jeune cavalier et Baumont tombent amoureux. Quant au Baron, venu rire aux pitreries de " Celui que l'on gifle " dont il ignore le véritable visage se cachant sous le maquillage du clown, tombe lui aussi sous le charme de la jeune fille. Il sympathise alors avec le père de celle-ci, un homme plus soucieux de son compte en banque que de sa fille.

Ce classique du cinéma muet est la toute première production de la Metro-Goldwyn-Mayer et l'un des premiers succès commercial et critique du studio (s'il s'agit de la première production de la MGM mais n'a pas été le premier à être distribué: une période commercialement stratégique ayant été choisie par les dirigeants), réussite qui est en grande partie due au talent du réalisateur suédois Victor Seastrom. Cette dramatique histoire d'amour (une constante avec les films dans lesquels apparaît Lon Chaney) vaut surtout pour la prestation de l'Homme aux mille visages qui fait une démonstration saisissante de son talent pour retranscrire les émotions de son personnage brimé via son visage si singulier. Roulement des yeux, grimaces, froncements de sourcils, chacune de ses apparitions en devient fascinante, voire hypnotique. Chaney éclipse sans difficulté les autres protagonistes du film. Il est vrai que son personnage de clown meurtri se laissant battre et humilier en publique attire l'attention sans difficultés et sert le récit à merveille. Ce dernier se termine de façon tragique, voire brutale, lorsque Baumont lâche un lion sur le Baron et le père de Consuelo qui se feront dévorer vivants, acte de vengeance ultime qui permet enfin à Baumont de renverser la situation et de rire du mal de celui par qui son malheur arriva, avant de s'écrouler devant son public à cause d'une blessure mortelle infligée par le père de sa bien aimée. Kerozene

  LAUGH, CLOWN, LAUGH aka RIS DONC, PAILLASSE - Herbert Brenon, 1928, États Unis 

Quatre ans après LARMES DE CLOWN, Lon Chaney retrouve un rôle de... clown. Un clown moins pathétique, mais dans une histoire toute aussi dramatique, comme d'habitude a-t-on envie de dire avec les films de Chaney. Flik (Chaney) et Flok (Bernard Siegel, aperçu auparavant dans LE FANTOME DE L'OPERA avec Chaney) sont un duo de clowns populaire italiens. Alors qu'ils sont en tournée en pleine campagne, Flik découvre une petite fille abandonnée au bord d'une rivière. Emu, il décide de la prendre sous son aile et de l'élever, au grand dam de Flok qui ne voit là qu'une source de problèmes potentiels. Quelques années plus tard, la petite fille désormais appelée Simonetta (et incarnée par une charmante Loretta Young de quinze ans!) est devenue une belle jeune femme qui éveille en Flik des sentiments pour le moins perturbants... En effet, le vieux clown est en train de tomber amoureux de celle qu'il a élevée comme un père. La situation n'étant pas assez pénible, Flok décide de quitter la troupe, laissant son camarade seul avec ses problèmes. Trois ans s'écoulent. Trois ans durant lesquels Flik et Simonetta la funambule font un carton sur la scène d'un théâtre romain. Mais en dehors des planches, Flik est un homme triste, constamment plongé dans la morosité car il n'ose déclarer sa flamme à celle qu'il aime. C'est en allant chez son neurologue (?!) qu'il fait la connaissance du jeune, riche et beau Comte Ravelli (Nils Asther), un homme souffrant d'un mal opposé à celui de Flik puisqu'il ne peut s'empêcher de rire. Selon le toubib, seul l'amour peut le guérir. C'est alors qu'il rencontre Simonetta...

Revoilà donc l'éternel triangle amoureux, immanquable source d'inspiration pour les rôles torturés affectionnés par l'Homme aux mille visages. Mais pour le coup, on se retrouve face à un Chaney relativement sobre. Il n'y a pas ici de freaks, ou de métamorphoses faciales ou physiques, il y a juste un homme cachant sa condition d'âme en peine derrière un visage de clown. Le jeu de Chaney n'en est pas moins démonstratif, et comme toujours l'acteur parvient à faire passer une palette d'émotions extraordinaire par la seule puissance de son regard. Énorme succès commercial en 1928, RIS DONC, PAILLASSE aurait été le rôle que Chaney affectionnait le plus de sa carrière. Sans doute parce que son personnage est encore plus touchant qu'à l'accoutumée (quand il ne joue pas un rôle de salopard, cela va de soi), voire attendrissant; mais peut-être aussi parce que sur le tournage du film, il se comporta comme un véritable père protecteur pour la douce Loretta Young que le réalisateur Herbert Brenon prenait - paraît-il - un malin plaisir à ridiculiser. Info ou intox, RIS DONC, PAILLASSE reste avant tout un très beau film à dimension humaine, un drame passionnel tragique et sincère qui saura peut-être même vous tirer une petite larme... Kerozene

LON CHANEY: A THOUSAND FACES - Kevin Brownlow, 2000, États Unis

Ce documentaire narré par nul autre que Kenneth Brannagh, retrace le parcours de l'"Homme aux 1000 visages", à savoir Lon Chaney. On y apprend les origines des talents d'expressivités si particuliers à l'acteur. Ceux-ci sont un héritage direct de ses parents tous deux sourds et muets. La communication entre Chaney et ses géniteurs se devait logiquement d'être basée uniquement sur les gestes et les expressions physiques. Par la suite, Lon (Leonidas de son vrai prénom) et son frère ont entamés une carrière d'acteurs de théâtre. Suite à une histoire à scandale au sujet du divorce de Lon d'avec la mère (alcoolique) de son fils Lon Chaney Jr., il du quitter les planches pour intégrer le 7èm art. Rapidement, il se fait remarquer grâce à sa formidable capacité à se transformer. Une série de photos montrent alors Lon Chaney dans des rôles mineurs et sur chacune de ses photos l'acteur est méconnaissable. Son talent de maquilleur autodidacte lui permet de rapidement gravir les échelons et de prétendre à des rôles de plus en plus importants. Logiquement, c'est dans le cinéma fantastique et d'épouvante qu'il fait les plus grandes démonstrations de ses capacités. Néanmoins, le documentaire insiste sur le fait que si Lon Chaney est surtout connu pour ses performances de "monstres", il n'en était pas moins un acteur complet. Une série d'extraits vient témoigner de cet état de fait, dont un bon nombre correspondant aux dernières images visibles de certains films disparus. Par la même occasion, on nous sensibilise sur le fait que 80% des films de l'époque du muet sont aujourd'hui purement et simplement perdus. On passe donc en revue les titres majeurs de l'acteur dans un ordre chronologique jusqu'à son décès, suite à sa première expérience de cinéma parlant dans le remake du CLUB DES TROIS. Si les extraits choisis montrent à quel point l'imagination et le talent de Lon Chaney lui permettaient de se transformer de manière époustouflante (voire le Quasimodo du BOSSU DE NOTRE DAME ou le cul-de-jatte de SATAN), il est évident qu'il devait parfois souffrir pour arriver à de tels résultats. Il semblerait que certains le taxait de masochiste, ce qu'un intervenant ne cesse de démentir tout le long du reportage.

S'ajoute donc à cela les témoignages d'historiens du cinéma, de collègues de travail, de décendents de l'acteur. On peut ainsi écouter une interview de Lon Chaney Jr expliquant que son père l'avait ramené à la vie alors qu'il était mort-né. Orson Welles témoigne de son admiration pour l'acteur, ainsi que Forrest J. Akerman ou Ray Bradburry. Malheureusement, jamais les noms de ces intervenants ne sont cités et certains restent pour moi d'illustres inconnus. Si ce documentaire est globalement intéressant et permet surtout de voir de courts passages de films aujourd'hui invisibles, on regrette de ne pas en apprendre plus sur sa passion de la transformation, sur sa façon de se maquiller. On nous montre bien sa légendaire valise, ainsi qu'une duplication de son visage en résine sur lequel il préparait ses maquillages, mais cela n'occupe que cinq à dix minutes de l'ensemble du film. On apprendra également très peu de choses au sujet de sa vie privée, au sujet de son caractère et de sa personnalité - ce qui, d'une certaine manière, alimente une espèce de mystère autour du personnage, mais déçoit quelque peu malgré tout. Kerozene

L'OISEAU NOIR aka THE BLACKBIRD aka THE BLACK BIRD - Tod Browning, 1926, États Unis

L'Oiseau noir (Lon Chaney) est un truand notoire qui porte son dévolu sur Fifi, une jeune et jolie française qu'il rencontre dans le cabaret qu'il arpente régulièrement. Également courtisée par Bertie, escroc de son état lui aussi, Fifi succombe aux avances et au charme de ce dernier. Ensemble, ils décident donc de rendre visite à l'Evêque, frère jumeau estropié de l'Oiseau noir, en vue d'une future union. Mais ce qu'ils ignorent, c'est que l'Évêque et l'Oiseau noir ne sont en réalité qu'une seule et même personne, l'identité du premier servant de couverture au second. Et si la supercherie fonctionne aussi bien, c'est que l'Oiseau noir possède la faculté de se déboîter la hanche et l'épaule afin de se donner un véritable air d'handicapé.

L'OISEAU NOIR semble être une oeuvre mineure dans la carrière du duo Lon Chaney / Tod Browning. On est ici loin d'atteindre la puissance dramatique de L'INCONNU ou du CLUB DES TROIS. Chaney s'avère relativement sobre dans son rôle de truand charmeur tenant une fois de plus le mauvais rôle d'un triangle amoureux qui le mènera à sa perte. Perte ici toute en ironie puisqu'une mauvaise chute de l'Évêque lui sera fatale. L'Évêque justement, se trouve être l'intérêt principal du métrage qui ne lui réserve finalement que peu de présence à l'écran, mais nous permet d'apprécier la douloureuse transformation pratiquée par Lon Chaney pour passer de l'Oiseau noir à l'Évêque. Kerozene

 

SHADOWS - Tom Forman avec Lon Chaney, Marguerite De La Motte, 1922, États Unis, 90m

Un petit village de pêcheurs, une jolie jeune femme mariée à un vilain bonhomme et une tempête. Voilà comment la jeune femme perd son époux et qu'un chinois (Lon Chaney) répondant au nom de Yen Sin (Sin voulant dire "péché" en anglais, on se doute que la coïncidence n'en est pas une) est retrouvé au port. La belle remarie le nouveau jeune pasteur, mais l'homme le plus riche du coin croyait bien qu'elle serait à lui et il en est bien peiné. Il va donc simuler une sombre histoire de chantage, faisant croire au pasteur que l'ex de madame ne s'est jamais noyé. Seul Yen Sin, que le pasteur aimerait bien convertir au christianisme, se doute de quelquechose...

Il existe bien des chefs-d'oeuvres à cette époque de cinéma muet, mais ce SHADOWS est un petit mélodrame lent qui ne saura intéresser que les amateurs de Lon Chaney. Il était courant, pendant longtemps, au cinéma américain de faire tenir les rôles d'asiatiques par des blancs et le maquillage ainsi que la gestuelle de Chaney sont intéressants. Il y a une belle scène ou Chaney , regardant son chat jouer avec une sourie, comprend le manège du maître chanter, mais le rythme presque lancinant du métrage en endormira plus d'un. Par surcroît, l'édition dvd à rabais, comme c'est souvent le cas, plaque de la musique classique un peu n'importe comment sur les images, ce qui n'aide pas. Mais découvrir un autre visage de Chaney est en soi un plaisir que d'aucuns sauront apprécier. Mario Giguère

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